Les sectes existent depuis des années à l'Ile de la Réunion...
Le nouveau visage des sectes de l'Ile de la Réunion
Ne pas manger durant une semaine tout en pratiquant quatre heures de randonnée chaque jour afin de “purifier son corps”. C’est ce que propose une association métropolitaine sur le sol réunionnais à partir du mois de décembre. Derrière ce prétendu stage, une véritable dérive sectaire qui représente un danger pour la santé. La mouvance “hygiéniste” tente de s’implanter dans l’île alors que les services de l’État ont décidé de se mobiliser enfin contre les sectes péi.
“ILS FERONT UNE HYPOGLYCÉMIE GRAVE OU UN COMA”
Selon cette “thérapeute en irrigation du côlon” (appellation qui ne revêt aucune compétence officielle en médecine), l’intérêt est de se “nettoyer le corps”, “d’ouvrir la porte à la liberté, à la responsabilisation”. “Vous verrez, c’est assez étonnant, poursuit Pascale Tarlé. Cette technique existe depuis un siècle en Allemagne. Mais en France, on est freiné par les médecins.” Le problème c’est surtout que cette technique représente un danger pour la santé. “C’est une aberration”, commente le Dr Stéphane Schneebeli, chef du service d’endocrinologie à l’hôpital de Saint-Pierre. Comme l’explique Véronique Fontaine, nutritionniste au CHR de Saint-Pierre, “c’est très risqué et physiologiquement quasi impossible car la dépense énergétique est plus importante que le métabolisme de base.” Pascale Tarlé se défend : “Ce n’est absolument pas dangereux ! Au contraire, c’est en mangeant beaucoup qu’on va générer des maladies. Si le jeûne existe dans la religion, ce n’est pas pour des prunes !” Si des diabétiques - deux fois plus nombreux à la Réunion - sont intéressés par ce stage, autant dire qu’ils courent au suicide. “Bien avant une semaine de jeûne, ils feront une hypoglycémie grave ou un coma”, explique Véronique Fontaine. Dans son dernier rapport parlementaire publié en 2009, la Miviludes (Mission interministérielle de Vigilance et de lutte contre les dérives sectaires), met particulièrement en garde contre cette méthode. “Le jeûne trouve de nombreux partisans parmi les adeptes des médecines douces, qui y voient plus un moyen de soulager des maux en épurant l’organisme qu’un moyen de perdre du poids. Utilisé comme un régime il est maintenant dénoncé comme un véritable suicide biologique”, peut-on lire dans le rapport.
LE COURANT “HYGIÉNISTE”
Un peu plus loin : “La promotion des régimes restrictifs et du jeûne alimentaire dans la mouvance des thérapies non conventionnelles est préoccupante. Elle fait courir à ceux qui s’y adonnent des risques majeurs.” La “Fédération Jeûne et Randonnée” est nommément citée par la Miviludes. La Miviludes qualifie ces courants “d’hygiénistes”. Ces cures de “détoxination” par le jeûne et la randonnée, initiées par le Dr Buchinger dans les années 80 en Allemagne, permettraient de guérir les souffrances mentales et les maladies ou encore de s’acheminer vers un monde de pureté. Selon la Miviludes “ces éléments sont constitutifs de la plupart des méthodes thérapeutiques alternatives, dont le courant hygiéniste représenté par la naturopathie”. Ce courant a récemment défrayé la chronique à la Réunion. En mars 2010, Marie Gisèle Maillot, plus connue sous le nom de Kaëté, a été condamnée pour exercice illégal de la médecine et a dû payer une amende de 6000 euros pour son activité “d’hygiéniste-naturopathe”. Plus récemment encore, en juillet 2010 lors du salon du bien-être de Saint-Denis, le JIR avait dénoncé la présence de Sahaja Yoga, également dénoncé par la Miviludes. Un mouvement dont l’un des fondements était que grâce à la méditation, il serait possible de guérir beaucoup de maladies. Après les sectes axées sur la religiosité comme le “Cœur douloureux et immaculé de Marie” de Juliano Verbard, il semble que celles qui orientent leur message sur leur capacité thérapeutique s’infiltrent de plus en plus à la Réunion
Dossier : Marie Payrard
- Le marché de l’hygiéniethérapie
Dans son dernier rapport, la Miviludes met en garde contre le “marché de l’hygiéniethérapie”. Ce terme, au sens d’accompagnement pour la santé, recouvre des offres aussi diverses que des séjours en cliniques de la nutrition, le recours aux compléments nutritionnels ou encore la pratique du jeûne et de la randonnée. Frédérique Pernin, conseillère à la Miviludes qui forme actuellement des Réunionnais sur la question des sectes, nous éclaire sur cette dernière pratique : “Elle fait référence à une angoisse existentielle, de plus en plus développée, qui est de savoir comment être en bonne santé. Une angoisse qui entre en collusion avec tout un imaginaire qui peut être un peu simpliste, fonctionnant sur le bien / mal, pur / impur ou souillure. Une opposition binaire qu’on retrouve d’ailleurs dans beaucoup de spiritualités. Ici, le jeûne permet d’échapper à la souillure.” Selon Frédérique Pernin, “il peut y avoir dérive sectaire quand en plus de cette pratique on retrouve une emprise mentale, une rupture avec la société et une négation avec ce que l’on était avant. Sinon, il s’agit de dérives thérapeutiques”.